Compassion et contradiction: la Régie erre
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En juillet, la Régie du logement a rendu une décision allant à l’encontre de la loi, de décisions de tribunaux supérieurs et même de sa propre jurisprudence.
Le régisseur Jocelyne Gravel a accordé le droit au maintien dans les lieux à une occupante, malgré le fait que celle-ci n’ait pas respecté la procédure dictée par le Code civil du Québec pour contester la non reconduction du bail.
Mme Diaz Lamich s’est installée chez sa mère, qui souffrait d’une maladie terminale, en septembre 2013. Elle s’est occupée de la mourante jusqu’au moment de son décès, en décembre de la même année. Après avoir voyagé au Chili, pour y célébrer les funérailles de la défunte, la fille emménage, avec sa famille, dans l’appartement autrefois occupé par sa mère.
Le 11 février, le propriétaire du logement envoi un avis de non reconduction de bail, en invoquant l’article 1944 du Code civil qui stipule que « lorsqu’un locataire est décédé et que personne n’habitait avec lui lors de son décès, [il peut] éviter la reconduction en avisant l’héritier ou le liquidateur de la succession ».
Le 20 février, le liquidateur (son frère) conteste l’avis en citant l’article 1938, qui prévoit que « … la personne qui habite avec le locataire au moment de son décès […] devient locataire, si elle continue d’occuper le logement et avise le locateur de ce fait dans les deux mois du décès … ». Il annexe d’ailleurs une lettre de Mme Diaz Lamich signifiant son intention d’habiter le logement.
Or, le règlement 1948 du Code civil du Québec prévoit qu’un « … héritier ou liquidateur de la succession d’un locataire décédé, peut, dans le mois de la réception d’un avis donné par le locateur pour éviter la reconduction du bail, s’adresser au tribunal pour en contester le bien-fondé; s’il omet de le faire, il est réfuté avoir accepté la fin du bail », ce qu’a négligé de faire Mme Diaz Lamich.
Selon le régisseur, la question préalable à se poser dans ce cas est « Est-ce que l’occupante actuelle du logement habitait avec sa mère le 28 décembre 2013 », au moment de sa mort. C’est en se basant sur cette prémisse que Mme Gravel a autorisé Mme Diaz Lamich à demeurer dans son logement. Un verdict que trouve injuste le propriétaire du logement.
« C’est une décision de compassion pour le plaidoyer d’une locataire qui n’avait pas le droit d’être là. La Régie n’est pas vraiment une cour de justice. C’est un endroit où les gens font valoir leur point, mais où malheureusement les règles et les articles de loi tirés du Code civil ne sont pas respectés », a-t-il confié à la CORPIQ, sous le sceau de l’anonymat.
Décisions contradictoires
Dans ce dossier, le régisseur Gravel devait statuer, si oui ou non, le locataire avait exercé son refus conformément à l’article 1948 de la loi en déposant une demande au tribunal; ce qui n’a pas été fait.
Dans un cas similaire (Tang contre Wei), un autre régisseur la Régie du logement a tranché que « … peu importe que l’avis [de reconduction] soit fondé ou non, ou qu’il soit légal ou non, le locataire n’a pas le choix; il doit le contester dans le mois qui suit sa réception ».
La Cour du Québec a abondé dans le même sens dans la cause opposant Adam à Saulnier, indiquant que « le défaut par l’Intimée (locataire) de s’adresser au tribunal suivant l’article 1948 établi une présomption en faveur du Requérant (propriétaire). Cette présomption légale absolue ne peut, par ailleurs, être réfutée ».