Reprise de logements Profession de (mauvaise!) foi

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Les propriétaires qui souhaitent reprendre un de leurs appartements pour y résider ou y héberger un membre de leur famille ont jusqu’au 31 décembre pour en aviser leurs locataires, si le bail se termine le 30 juin. Afin d’éviter les mauvaises surprises, ils doivent s’assurer de respecter les conditions et les délais prescrits.

Reprise de logements Profession de (mauvaise!) foi

Parmi les préceptes à observer, il y a celui de la bonne foi.  Voici deux cas récents où la requête des locateurs a été rejetée par la Régie du logement,  sur cette base.

Famille et reprises nombreuses

Un couple de propriétaires à la tête d’une famille reconstituée de six enfants souhaite reprendre un de ses appartements pour y loger leur fils. Le jeune homme traverse une période difficile et les parents, inquiets, veulent garder un œil sur lui.

D’ailleurs, il semblerait que les quatre chambres à coucher du domicile principal sont toutes occupées par ses demi-sœurs, le contraignant à dormir sur un sofa dans le salon.

Mme Le Boulanger et M. Cloutier, qui possèdent plusieurs immeubles, entreprennent donc les démarches nécessaires pour récupérer le 3 ½ au-dessus du rez-de-chaussée où ils résident. Précisions que depuis 2005, cinq demandes similaires ont été formulées par la locatrice;  parfois pour se loger elle-même, d’autres fois pour accueillir ses parents ou encore ses filles.

Or, à deux reprises, les personnes concernées n’ont jamais emménagé dans l'appartement recouvré, affirment deux témoins (un ancien locataire et une occupante).  Cette preuve a « semé un immense doute [dans l’esprit de la juge] quant à la bonne foi des locateurs ».

De plus, deux des quatre enfants de la propriétaire vivent toujours dans des logements qui ont été repris, ce qui réfute l’argument selon lequel toutes les chambres du domicile familial sont occupées.

À la lumière de ces contradictions,  la régisseuse a rejeté la requête du couple Le Boulanger-Cloutier.

Changement de programme

À la suite d’une reprise de logement, M. Deslauriers, un locataire, déménage à quelques portes de son ancienne adresse. Il constate que la propriétaire de l’immeuble, Mme Ben Nasr, n’emménage jamais dans l’appartement qu’il a quitté; c’est plutôt un nouvel occupant qui y a élu domicile. Celui-ci paie un loyer mensuel de 750 $, soit 265 $ de plus que ce que lui déboursait.

M. Deslauriers remarque aussi l’apparition d’une pancarte à vendre devant l’immeuble en question. Il décide donc d’envoyer une mise en demeure à Mme Ben Nasr, lui réclamant 4600 $ pour une reprise exercée de mauvaise foi. Sans réponse, il récidive quelques mois plus tard, demandant cette fois-ci 3000 $ supplémentaires à titre de dommages punitifs.

Près de cinq mois plus tard, la propriétaire donne signe de vie, par courriel.

« Nous avons acheté, mon mari et moi, ce duplex dans le but d’y habiter en occupant le rez-de-chaussée. J’ai donc entamé la procédure normale et légale pour récupérer mon logement.  […] Les choses ne se sont pas déroulées tout à fait comme prévu.  […] Grâce à un bon ami de la famille, mon mari s’est vu proposer un bon travail qui nous a rapproché de notre pays d’origine et qui se trouve à être bien rémunéré. Le pas a été très difficile à franchir, car cela représentait tout un changement dans notre vie. Notre décision a finalement été prise et nous avons quitté le Canada », explique-t-elle dans sa missive, précisant que la pancarte à vendre se voulait « une tentative pour connaître la valeur de notre duplex ».

L’article 1968 du Code civil prévoit que « le locataire peut recouvrer les dommages-intérêts résultant d’une reprise ou d’une éviction obtenue de mauvaise foi ».

Dans ce cas-ci, la régisseuse s’appuie sur le fait que la locatrice admet ne jamais avoir pris possession du logement et ce, contrairement à l’avis de reprise, en évoquant différents motifs.

« Le Tribunal ne peut nullement donner foi à ces supposées prétentions, trop d’éléments militent pour retenir le contraire. L’affiche pour vendre l’immeuble ainsi que pour louer le logement s’ajoutent dans ce sens », peut-on lire dans le jugement.

La juge tranche que « bien que le locataire n’ait pas contesté la reprise du logement, ceci ne fait pas en sorte de transformer l’intention de la locatrice tout au cours du processus, qui doit être de bonne foi ». Elle contraint donc Mme Ben Nasr à payer 5000 $ à M. Deslauriers, en plus des frais judiciaires et de signification (166 $).  

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