Donner l'heure juste au sujet de la situation du logement
Les débats étaient enflammés au cours des derniers jours alors que les milieux politiques et médiatiques réagissaient à la lettre ouverte du directeur des affaires publiques, Hans Brouillette, intitulée « Inventer une crise du logement pour se faire réélire ».
Parue le 29 avril dernier sur le site de la CORPIQ, puis relayée le jour suivant dans LaPresse, le Journal de Montréal et le Journal de Québec, cette lettre d’opinion rectifiait les faits quant à une soi-disant crise du logement réellement propagée par certains milieux politiques à des fins partisanes.
À la même période, accusé d’être déconnecté de la réalité par les partis de l’opposition, le premier ministre Legault a essuyé les critiques en se justifiant d’expliquer que des loyers de 500$ sont une réalité pour les étudiants, et non pour une famille. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est jointe à la controverse, indignée que sa crise du logement ne soit pas reconnue par la CORPIQ à travers une série de gazouillis sur le réseau Twitter où plusieurs propriétaires lui ont fait savoir que la situation n’est pas si facile pour un locateur.[1] Elle cite notamment le besoin de l’abordabilité pour la classe moyenne montréalaise en souhaitant encore et toujours plus de contrôle par une intervention du gouvernement provincial. Le FRAPRU et d’autres activistes exigent quant à eux la construction de plus de logements sociaux, s’insurgeant d’une « folie » du prix des loyers.[2]
M. Brouillette s’est entretenu avec Mario Dumont du réseau LCN où ont été évoqués des résultats d’un sondage mené par la CORPIQ du 21 au 28 avril auprès de propriétaires.[3] Ces chiffres démontrent qu’il y a actuellement environ 5% de logements vacants et près de 10% de logements qui deviendront disponibles au 1er juillet. Les coûts de la main d’œuvre et des matériaux ont certainement contribué à une hausse des loyers et à redessiner les objectifs de rentabilité des propriétaires, mais en somme, les coûts des loyers sont raisonnables et abordables.
En ce qui concerne les cas de « rénovictions », mot que M. Brouillette déplore car le code civil du Québec ne prévoit pas d’éviction en cas de rénovations et ce terme sous-entend l’inverse. Il poursuit en affirmant que l’on « voit les conséquences d’un problème qui est en amont. Pendant des années […] on a privé les propriétaires des augmentations de loyer nécessaires pour procéder à des travaux de rénovation. » En effet, un propriétaire ne peut « exiger cette année que 1,92$ d’augmentation de loyer pour chaque tranche de 1000$ de travaux effectués l’an dernier ». En termes simples, il faudrait près de 43 ans pour rentabiliser les coûts de la rénovation, ce qui dépasse souvent la durée de vie de ce qui a été rénové.
Notons aussi l’intervention de Jean-Philippe Meloche, professeur agrégé à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage à l'Université de Montréal qui a accordé une entrevue au Télé-Journal de Radio-Canada. Il explique qu’il n’y a pas de critères concrets qui permettent de justifier le cri d’alarme d’une crise du logement.[4] L’une des solutions proposées est le gel des loyers, mais comme l’a expliqué M. Meloche, ça ne fera qu’exacerber le problème en faisant fuir les investisseurs et du même coup, en ralentissant la construction de nouveaux logements pour répondre à la demande.
Dans la même veine, Joseph Facal a rédigé un texte qui conteste aussi cette notion de crise du logement.[5] Dans son article intitulé « Une fausse solution à la 'crise du logement' », le contrôle des loyers est pointé du doigt comme étant la source de ce déséquilibre entre le bassin de locataires à la recherche d’un logement, leurs capacités financières, et la capacité des propriétaires à rentabiliser leur logement. Ainsi, il affirme que « le contrôle des loyers assomme le marché immobilier en enlevant l’incitatif du secteur privé à construire de nouveaux logements locatifs à prix raisonnable ». La surenchère que l’on est en train de vivre est liée à la rareté de logements abordables, cette dernière étant la conséquence du manque de volonté des propriétaires à construire d’autres logements car ils ne seraient pas rentables, ce qui les forcent à rentabiliser au maximum les logements déjà disponibles, ce qui garde les prix des loyers élevés.
M. Facal s’interroge : « Vous me demanderez : mais s’il n’y avait pas de contrôle des loyers, est-ce que les prix ne s’envoleraient pas ? Pour être précis, le contrôle des loyers aide ceux qui ont déjà un logement, mais pénalise brutalement ceux qui en cherchent un. » En ôtant le contrôle des loyers, il serait rentable à long terme pour un propriétaire d’offrir des logements et d’en bâtir de nouveaux, et de connaître un ajustement naturel et progressif des prix des loyers selon la loi de l’offre et de la demande. Même si l’on peut craindre une flambée des prix, les logements dispendieux risqueraient de rester inoccupés et leur prix serait donc revu à la baisse en s’ajustant au marché. Il est clair que la solution envisagée est tout à l’opposé de la mairesse de Montréal et de ses partisans regroupés dans différents réseaux militants exigeant toujours plus d’intervention gouvernementale, renforçant ainsi les mêmes mécanismes qui ont conduit à une situation économique qu’ils déplorent.