Consommer du cannabis médicinal ne donne pas tous les droits
Magazine Proprio
Un locataire de Matane consommateur de cannabis à des fins thérapeutiques a dû quitter son logement. La Cour du Québec a refusé d’entendre l’appel de la décision de la Régie du logement, qui avait ordonné son expulsion en raison des sérieux préjudices causés aux propriétaires résidant de l’immeuble.
L’histoire avait fait les manchettes en janvier dernier, après que la Régie du logement eut accueilli favorablement la demande en résiliation de bail des propriétaires. La CORPIQ était ensuite intervenue dans les médias, indiquant que cette décision est la meilleure tant pour les propriétaires que pour les locataires qui veulent être protégés de la fumée secondaire.
Lors de l’audience, le propriétaire avait fait valoir que lui et son épouse, tous deux âgés de plus de 70 ans, étaient incommodés par l’abondante fumée secondaire et par l’odeur de cannabis, au point de leur causer de l’irritation aux yeux et aux voies respiratoires. Il déplorait aussi que la culture de plants que faisait le locataire dans son logement du deuxième étage augmentait la consommation d’électricité de l’immeuble.
Le locataire, un homme de 54 ans bénéficiant de l’aide sociale, s’est fait prescrire du cannabis par un médecin pour apaiser divers maux. Il détient de plus une autorisation de Santé Canada qui lui permet de cultiver jusqu’à une dizaine de plants pour sa consommation personnelle. Il en cultivait deux dans son logement, a-t-il déclaré.
Au mois de février dernier, il avait évité l’expulsion après avoir obtenu un sursis, le temps que la Cour du Québec étudie sa demande d’en appeler de la décision de la Régie du logement ordonnant son expulsion. Le tribunal a finalement refusé d'entendre sa contestation à la fin du mois d’avril, jugeant que la décision de première instance était bien fondée.
« Je suis soulagé, ma conjointe aussi. On était fatigué de tout cela. Il vivait la nuit et il avait bloqué son détecteur de fumée. On dort mieux maintenant », indique le propriétaire matanais, un membre de la CORPIQ qui souhaite désormais retourner dans l’anonymat et tourner la page après un an de procédures judiciaires. Il n’a pas l’intention de relouer l’appartement pour l’instant.
Le locataire a abandonné de vieux meubles et appareils dans le logement lors de son déménagement, qui a eu lieu le 13 mai dernier. Il doit maintenant nettoyer le logement de fond en comble, désinfecter et peinturer les murs. « Ce n’est pas tellement brisé, mais c’est sale. Au moins, ça ne sent plus le cannabis chez nous », mentionne le propriétaire, qui demeure au premier étage de son triplex.
On aurait vraisemblablement pu s’attendre à ce qu’un premier jugement du tribunal sur le cannabis médicinal découle de plaintes provenant de locataires non-fumeurs. Or, c’est plutôt un propriétaire qui aura été personnellement le plaignant dans cette première cause qui fera jurisprudence. « Ce jugement est d’autant plus important qu’en vertu du Code civil, les propriétaires ont l’obligation légale de procurer à leur locataire une pleine jouissance des lieux. Cette obligation devient impossible à respecter s’ils ne sont pas en mesure d'interdire de fumer, que ce soit du cannabis ou la cigarette », explique le directeur des affaires publiques de la CORPIQ, Hans Brouillette.