Toujours pas de signature pour les courriers recommandés

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En cette période de pandémie, Postes Canada continue de livrer des courriers recommandés sans tenter de faire signer le destinataire. Si la situation perdure, pourrait-elle causer des problèmes aux propriétaires qui devront prouver la réception de leurs avis de renouvellement de baux?

Toujours pas de signature pour les courriers recommandés

Selon la directive administrative de Postes Canada, l’entreprise ne demande plus aux clients de signer, sauf pour les produits suivants :

  • Courrier recommandé
  • XpresspostMC certifié
  • Articles nécessitant une preuve d’identité
  • Articles nécessitant une preuve d’âge
  • Articles contre remboursement
  • Articles assujettis à des droits de douane

Or, cette information est fausse, a constaté la CORPIQ qui a fait le test en envoyant elle-même quelques lettres en novembre, dans différentes régions. Même lorsque les destinataires étaient présents lors du passage du facteur, celui-ci n’a pas sonné et encore moins requis une signature pour laisser le courrier recommandé. Sur le site Internet de Postes Canada, le repérage affiche le courrier comme étant « livré ».

Par la suite, lors d’une discussion de la CORPIQ avec Postes Canada, un agent a reconnu que les signatures n’étaient plus exigées pour le courrier recommandé.

Dans le passé, le tribunal du logement a déjà statué que la « livraison » d’une correspondance ne suffisait pas, puisqu’il faut interpréter le sens du mot « donné », inscrit dans la loi, par « reçu ». La preuve que le locataire a bien en main le courrier n’existe cependant pas sans signature de sa part.

La CORPIQ a demandé au gouvernement du Québec que le Tribunal administratif du logement (TAL) adopte une directive administrative, en réponse à celle de Postes Canada, afin d’éviter que propriétaires et locataires aient à recourir à des moyens plus coûteux de notification pour prouver la réception de leurs correspondances, comme l’huissier par exemple.

Cette demande a été refusée. Le gouvernement estime qu’une notification peut notamment être faite en mains propres, par un service de messagerie, par un moyen technologique ou par huissier…

Il aurait pourtant été simple pour le TAL de s’ajuster aux contraintes en ce temps de pandémie et d’émettre une directive pour accepter les courriers « livrés ». Au milieu des années 90, le président de la Régie du logement à l’époque avait décidé que son tribunal allait désormais envoyer ses avis de convocation aux audiences par poste régulière, un service gouvernemental réputé être fiable.  Il l’avait fait malgré l’avis contraire des régisseurs eux-mêmes qui estimaient que le courrier recommandé était incontournable dans le domaine juridique (en pratique, il était souvent plus inefficace encore, car les défendeurs refusaient de récupérer leur courrier recommandé et ne se présentaient pas à l’audience).

Par la suite, les juges ont adhéré à ce changement et la validité du courrier régulier pour les avis de convocation aux audiences n’a jamais plus été remise en question, comme en fait foi la jurisprudence.

Leur interprétation est toutefois bien différente à l’égard des propriétaires et des locataires qui, contrairement au TAL, doivent toujours prouver la réception de leur courrier par l’autre.

La CORPIQ a pu constater ce que les agents de renseignements du Tribunal répondent aux appelants sur ce sujet. En effet, ils disent qu’il est important d’avoir une preuve de réception. Ils ajoutent que l’acceptation de la preuve de livraison sans signature est laissée à la discrétion des juges administratifs. Les agents suggèrent soit de refaire l’envoi de la notification par un autre moyen ou de s’assurer auprès du locataire, par courriel, texto ou message, que celui-ci a bien reçu le document.

Dans de récentes décisions du TAL depuis la pandémie, les courriers avec une preuve de « livraison », mais sans signature, ont été acceptés par le juge. Dans au moins un autre cas, la juge a plutôt refusé d’accepter une correspondance avec seule une preuve de « livraison », mais a plutôt donné un mois aux parties à compte de la date de l’audience pour s’entendre sur le renouvellement du bail. Malheureusement, il appert que l’appréciation de la preuve de réception est en premier lieu laissée à la discrétion des juges. Mieux vaudrait une directive administrative d’abord, puis si nécessaire, l’intervention d’un juge. Donc il subsiste un risque qu’un avis soit déclaré nul, faute de signature du destinataire du courrier recommandé.

Outre l’option coûteuse de l’huissier, un « moyen technologique » peut être utilisé, dit le gouvernement. La CORPIQ offre d’ailleurs son service Pronotif®. Cette application à faible coût d’envoi de courriels certifie la transmission, la réception, l’ouverture et même la pièce jointe à la correspondance. Le locataire ne peut donc pas nier avoir été notifié, comme certains ont tenté (en vain) de le faire lors de l’audience. Il importe toutefois d’avoir une preuve que le locataire a initialement fourni son courriel dans le bail ou une annexe et accepté explicitement ce moyen de correspondre.

Ni le gouvernement du Québec ni le Tribunal administratif du logement ne semblent saisir la gravité de la situation, alors que des centaines de milliers d’avis de renouvellement de baux seront en circulation dès le début de 2021. La preuve de réception (de l’avis de modification de bail et de la réponse du locataire) a un impact majeur pour les parties. Sans preuve de réception par le propriétaire de son intention de quitter, un locataire pourrait voir son bail renouvelé alors qu’il ne le souhaite pas.

La CORPIQ invite ses membres à communiquer rapidement avec elle s’il s’avérait qu’un juge ne reconnaisse pas la validité d’un courrier « livré », mais sans preuve de réception (signature). Que ce courrier ait été envoyé par le propriétaire ou par son locataire. 

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